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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/700

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COUCHANT SUAVE


C’est une de ces morts du jour, tristes et lentes,
Où luttent les clartés, où l’astre, prolongeant
Sa fin mélancolique, enveloppe, indulgent,
De sereines lueurs, bêtes, choses et plantes.

Doucement tout s’éteint ; l’orbe aux taches sanglantes
Change en longs serpens d’or les clairs ruisseaux d’argent ;
Et l’esprit le plus morne ou le plus indigent,
Émerveillé, s’abîme en extases tremblantes.

Tel, ô suprême amour dont je sens le déclin,
Amour prêt à sombrer dans mon cœur orphelin,
Déjà tu disparais en des brumes d’opale ;

Et je vois dans ce cœur que l’âge va tarir,
Ainsi qu’à l’horizon de nacre rose et pâle,
Hésiter un soleil qui ne veut pas mourir.


COUCHANT SUPRÊME


Triste cœur où l’Amour sonne son dernier glas,
Cœur auquel toute joie est désormais ravie ;
Qui, par la pente rude et morne enfin gravie,
Sur les divins coteaux du Rêve t’exilas ;

Par de la ce couchant de rose et de lilas,
Plus haut que ta chimère ardemment poursuivie,
Plus loin que la Douleur et plus loin que la Vie,
Regarde, pauvre cœur agonisant et las.

Et tandis qu’une étoile, éternellement vierge,
S’allume à l’horizon comme un nocturne cierge,
D’un feu suprême, ô cœur, brille avant de partir ;

Puis songeant qu’ici-bas tout est poussière ou cendre,
Aussi calme, aussi pur que ce soleil martyr,
Dans l’idéale mort sache humblement descendre.


LEONCE DEPONT.