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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/713

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars.


Le 21 mars, lord Salisbury et M. Paul Cambon ont signé à Londres un arrangement relatif aux affaires d’Afrique. C’est là un fait très important. Il met fin à une situation confuse, où les intérêts mal définis et les prétentions indéterminées de l’Angleterre et de la France menaçaient de plus en plus d’amener des conflits. Les événemens de ces derniers mois sont présens à toutes les mémoires : personne n’a oublié les heures difficiles que nous avons traversées. On a vu subitement apparaître des périls qui étaient hors de proportion avec les intérêts en cause, au moins de notre côté. Il y a eu un moment où si, de part et d’autre, on n’avait pas apporté la plus grande prudence dans les rapports des deux pays, la guerre aurait pu éclater. La guerre pour des questions africaines ! La guerre avec l’Angleterre ! L’histoire n’aurait pas eu assez de sévérités pour les gouvernemens qui, soit d’un côté du détroit, soit de l’autre, auraient déchaîné ce fléau. La marche de la civilisation en Europe, en Afrique, et encore dans d’autres parties du monde, en aurait été profondément affectée, ralentie et troublée. L’effet aurait été supérieur à la cause qui l’aurait produit.

Le nuage est aujourd’hui dissipé, et l’arrangement du 21 mars en a fait disparaître les dernières traces. À nos yeux, c’est là son principal mérite. Nous avons dû faire des concessions pour obtenir ce résultat, et l’arrangement du 21 mars n’est pas une victoire diplomatique. La satisfaction même qu’il cause en Angleterre serait pour nous un avertissement, si nous voulions le présenter comme tel. Au reste, nous avons dit bien souvent et il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui que rien n’est plus décevant que ce qu’on appelle une victoire diplomatique. C’est un compte qui s’ouvre, et où généralement il faut tôt ou tard payer sa prétendue gloire. Les meilleurs arrangemens sont ceux qui, pour des motifs différens, assurent à leurs signataires des avantages à peu près équivalens. Si l’un des deux contractans s’aperçoit qu’il a été dupe, il n’a pas de cesse ni de repos avant de s’être procuré