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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/811

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« Il faut seulement vous avoir arrêtée et avoir regardé quelques paquets ; je ne veux même pas lire les lettres ouvertes qui sont dans votre écritoire. » Pendant que ce monsieur parlait, on dressait un procès-verbal, que je signai, puis je remontai en voiture et n’ai plus été inquiétée tout le long de la route, pas même aux frontières. Je vis, un moment, pendant mon dîner, M. de Pontécoulant à Bruxelles. Je fus très touchée de le voir entrer chez moi ; il me parla beaucoup de son intérêt pour ma famille ; il voulait entamer une conversation sur les Princes ; mais, comme j’étais pressée, je n’y mis pas de suite et je me le suis reproché depuis, en me rappelant qu’il avait eu l’air très fâché de n’avoir pas eu le temps de me parler.

Pendant les huit derniers jours que j’ai passés à Paris, j’ai beaucoup vu l’abbé de Damas et Gaston de Galard, je leur disais exactement tout ce qui m’arrivait. Je leur ai conté toutes mes conversations avec Maingaud, Fouché et Mme Bonaparte, mais ce que j’étais chargée de dire à l’abbé de Damas n’a été su que de lui. Ils étaient tous les deux enchantés de ce que je leur disais, et ils m’ont répété cent fois que rien n’était plus heureux que l’idée que j’avais eue de passer par la France, car aucun royaliste, depuis douze ans, ne s’était trouvé, ainsi que moi, dans une position assez favorable pour dire et entendre des choses aussi essentielles. Ils auraient désiré me retenir encore à Paris, mais j’en serais toujours partie, même sans les ordres de Fouché.


La suite de ce récit est consacrée à des appréciations personnelles sur la situation du parti royaliste à Paris, et n’offre plus le même intérêt. Le voyage de la duchesse de Guiche exerça-t-il de l’influence sur les événemens de cette époque ? Ce serait trop dire assurément. L’entretien de la Malmaison aurait bien pu être le préliminaire d’une nouvelle Paix des dames, si l’on avait voulu en tirer parti à Londres et si, de son côté, le Premier Consul avait tenu à ratifier le langage de Joséphine. Il eût été intéressant pour l’histoire de le voir assister à cette entrevue ; mais il vaut peut-être mieux pour Mme de Guiche que l’abbé Bernier lui ait évité le déplaisir de recevoir, ce jour-là, quelques-uns des sarcasmes qui n’avaient pas été épargnés par Bonaparte à Mme Récamier et à Mme de Staël, jugées trop curieuses. Quoi qu’il en soit, il est certain que, de juin 1801, époque de ce voyage, au mois d’août 1803, date de la conspiration à peu près simultanée de Pichegru, de Moreau et de Georges Cadoudal, nous ne voyons aucune manifestation de complots royalistes, ni aucune mesure de rigueur prise par