Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/823

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en deux localités séparées par une distance minime, comme 12 francs à Aix et 0 fr. 75 en Dauphiné, ou 22 fr. 50 à Caen et 1 fr. 50 à Silli, dans l’Orne, c’est que les routes étaient mauvaises ou nulles.

Quand Sganarelle, dans le Médecin malgré lui, demande 5 livres 10 sous du cent de fagots, — c’est-à-dire 9 francs, — ses prétentions ne sont pas exagérées ; les fagots se vendaient alors (1666) de 8 à 13 francs aux environs de Paris. Ce n’était pas qu’il y eût « fagots et fagots, » comme insinue le personnage de Molière, ni que les plus chers fussent ceux « auxquels on n’épargne aucune chose ; » mais simplement ceux qui venaient de plus loin. A la veille de la Révolution, ils variaient ainsi de 25 francs à Boulogne-sur-Mer jusqu’à 2 fr. 70 dans les campagnes de Sologne.

Aujourd’hui, dans les coupes de l’Etat, on brûle souvent des fagots uniquement pour déblayer le terrain, pour faire de la place, parce qu’on ne saurait à qui les vendre. Les tuiliers, chaufourniers, briquetiers, les boulangers même, autrefois grands consommateurs, abandonnent de plus en plus, pour la houille, ce combustible que la dépense de manutention a rendu trop onéreux. Dans un cent de margotins, par exemple, qui se vend à Paris 8 francs, la valeur du bois est à peu près nulle ; il n’y en a pas pour 0 fr. 20. C’est le port, la façon, le bénéfice du marchand qui composent tout le prix.

Le charbon de bois coûte, à Marseille, 12 francs les 100 kilos pendant que le bois qui sert à fabriquer ce charbon, — un stère environ, — se vend en Corse 0 fr. 30 sur pied : la différence de 11 fr. 70 est absorbée par les frais de coupe, de carbonisation, de mise en sac, de conduite au bateau, de fret, d’octroi et de cinq ou six chargemens et déchargemens jusqu’à l’arrivée chez le charbonnier marseillais. En bien des cas, le bois de feu, sur route, perd toute valeur au bout de 25 kilomètres, c’est-à-dire qu’il devient inexploitable. Par kilomètre et par 1 000 kilos en effet, le prix varie, suivant la nature des véhicules, de 2 centimes sur rivière jusqu’à 1 fr. 25 à des de mulet, lorsque cet animal descend, chargé, une pente montagneuse qu’il remonte à vide. On compte en chemin de fer de 3 à 8 centimes et 20 à 60 centimes sur les routes, suivant qu’elles sont ou non empierrées.