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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/824

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III

On s’explique ainsi que le chauffage au bois demeure, suivant les localités, économique ou très cher et que le prix de 11 francs par stère, donné plus haut pour l’ensemble de toute la France, recouvre de grandes diversités. Pour 10 francs en Normandie, on obtient 1 000 kilos de châtaignier, dont le pétillement est inoffensif dans l’âtre profond du campagnard ; le citadin, dans le salon duquel ce feu d’artifice serait de dangereuse conséquence, paie 20 francs en province et 45 francs à Paris le hêtre à la flamme vive ou le chêne à combustion moins gaie, mais plus lente.

L’usage du bois, dans la capitale, est devenu un luxe ; ceux-là seuls en brûlent qui ne regardent pas à la dépense, ou qui ne la paient pas de leur poche comme les administrations de l’État. La consommation parisienne était en 1852, avec une population moitié moindre, plus forte de 100 000 stères qu’elle n’est aujourd’hui ; elle est descendue à 240 stères par 1 000 habitans, au lieu de 384 qu’elle atteignait en 1876. Il y a deux cent soixante ans, elle s’élevait au quadruple, — un stère par personne, — d’après le rapport des commissaires au Châtelet en 1637. Aussi voyait-on de belles flambées chez les grands seigneurs : les cheminées du cardinal de Richelieu dévoraient 1 000 kilos de bois par 24 heures ; le fournisseur du duc de Candale lui livrait chaque jour 50 grosses bûches et 75 fagots pour ses appartemens et, pour ses cuisines, 10 hectolitres de charbon de bois.

Ce dernier combustible est aujourd’hui frappé d’un discrédit irrémédiable ; dans les villes, où est son principal débouché, la bourgeoisie a substitué ces commodes en fonte, chauffées à la houille, que l’on nomme des « cuisinières, » aux anciens « fourneaux-potagers. » Seuls, les ménages ouvriers demeuraient fidèles au charbon de bois. Le pétrole, lourdement grevé d’impôts, avait peine à lui faire concurrence. L’électricité, d’une façon d’ailleurs indirecte, a amené son effondrement : la Compagnie du gaz, voyant ses recettes compromises par le succès des nouvelles lampes Edison, dans les milieux aisés, s’est tournée vers la classe populaire et a pris généreusement à sa charge l’installation des conduites chez tous ceux qui les demandaient. Non contente d’apporter sans aucun frais son calorique, elle a prêté gratis, pour la cuisson des alimens, environ 250 000 fourneaux. Elle s’empare ainsi de