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indigènes ; des pasteurs la tutelle s’étendit sur les troupeaux ; et, du consentement de l’Islam, une partie de ses sujets lui appartint moins qu’à la France.

Cette tutelle ne se bornait pas aux sujets catholiques. L’invasion turque avait submergé tous les pays de foi orthodoxe, sauf la Russie, et les Moscovites, au XVIe siècle, n’étaient encore ni puissans ni civilisés. Les orthodoxes de l’Empire ottoman se trouvaient donc sans défenseur. Ils avaient des contacts nécessaires avec les Latins : les sanctuaires de Jérusalem, également chers à toutes les communions chrétiennes, étaient sous la garde de religieux catholiques, et les Grecs satisfaisaient leur piété grâce à ces religieux latins et à la France protectrice. Les services les attiraient malgré les préjugés ; la France leur devenait, faute de mieux, le représentant de la chrétienté contre l’Islam, et, même parmi eux, étendait sa clientèle.


I

Une première atteinte fut portée à cette situation par l’avènement de la puissance russe. Quand il légua par son testament à ses sujets l’Empire turc, Pierre le Grand était trop ambitieux pour oublier l’aide que la foi des peuples peut prêter aux desseins des princes. Seule la religion était assez forte pour gagner les peuples slaves qui répugneraient à perdre leurs patries particulières dans l’immensité russe ; seule elle donnait au tsar des prises sur les peuples non slaves, les Roumains et les Grecs. Dès que la « sainte » Russie, devenant la « grande, » offrit un appui aux raïas orthodoxes, ils répudièrent celui de la France et passèrent envers les catholiques de la gratitude à la rivalité. La querelle commença, comme avait commencé l’entente, aux Lieux saints. Les Grecs jugèrent intolérable que le droit de prier sur le tombeau du Christ leur fût concédé par l’hospitalité des Latins ; pour les chasser et se mettre à leur place, ils retrouvèrent le génie de Byzance. Par des surprises, des violences, des corruptions, au nom de vieux firmans qu’ils venaient de fabriquer, en vertu de sentences qu’ils achetaient, ils poursuivirent depuis le milieu du XVIIe siècle leur marche obstinée vers la dépossession des catholiques et par suite de la France. Celle-ci résista d’abord, lit rétablir plusieurs fois dans les sanctuaires les religieux expulsés, obtint du Divan la déclaration que les firmans des Grecs étaient