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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/258

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la clientèle des radicaux, tous les mécontens : petits patrons, en qui les ouvriers voient cependant leurs pires exploiteurs, petits boutiquiers, employés, prolétaires intellectuels, bacheliers, professeurs, médecins, avocats. Pour plaire à des électeurs si bigarrés, il faut serrer les principes dans l’armoire à argenterie, et ne les sortir qu’aux jours de fête. On se pose en candidat des humbles ; on se borne à déclamer contre la ploutocratie. Tel orateur réduit le collectivisme à la communauté des rues, auquel cas, nous sommes tous communistes. M. G. Sorel cite un candidat appuyé par le groupe parlementaire de la Chambre, qui promettait aux marchands de vin, ces empoisonneurs du peuple, de les soutenir contre les coopératives ouvrières ! L’Union socialiste, à la dernière Chambre, représentait non pas une doctrine, une classe sociale, mais un salmigondis d’idées, un monde bariolé. « Dans cette union, écrit l’auteur d’une brochure socialiste[1], il y a des admirateurs du drapeau tricolore, du drapeau jaune avec l’alliance russe, des partisans du drapeau rouge. Il y a des communistes, des collectivistes, des défenseurs de la propriété individuelle, des patriotes, des internationalistes, des protectionnistes, des libre-échangistes, des partisans de la grève générale, mais beaucoup plus de ses adversaires. Il y a beaucoup de médecins, de gros rentiers, de journalistes, et seulement une demi-douzaine d’anciens ouvriers. » Et l’on retrouve la même bigarrure, la même opposition des votes et des doctrines, concernant l’armée, — la politique coloniale, le libre-échange, — dans la fraction socialiste du Reichstag.

Après les dernières élections, le groupe de l’Union socialiste s’est purifié des élémens nationalistes. Il s’est constitué sur la base d’un manifeste des trente-sept, qui prétend exprimer, sinon le marxisme pur, — une seule des cinq organisations françaises, celle des guesdistes, se rattache directement à Karl Marx, — du moins « la pensée essentielle du socialisme de tous les pays : » conquête des pouvoirs publics, collectivisme successif, entente internationale des prolétaires. C’était le Credo formulé par M. Millerand au banquet des municipalités socialistes de Saint-Mandé. M. G. Sorel met en relief les atténuations et les incohérences : « On propose, dit-il, d’assurer à tous la libre disposition des fruits du travail. On n’ose pas prononcer le mot propriété : mais le lecteur,

  1. La vérité sur l’Union socialiste, chez Allemane, 21, rue Saint-Sauveur.