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UNE COLONIE ANGLAISE
BIRMANIE ET ÉTATS SHANS

Une Française en exploration dans l’extrême Orient, c’est, paraît-il, chose peu commune. Cela explique le bienveillant accueil qui lui est fait quand elle revient sur le sol français, et l’intérêt qu’on veut bien attacher au récit de son voyage.

Les sentimens qui m’ont été témoignés m’encouragent à présenter au public un résumé des choses que j’ai vues et apprises au cours de mes pérégrinations. Je ne prétends qu’au modeste rôle de vulgarisatrice. Ce qu’une femme seule peut entreprendre est à la portée de tous ; et il me semble que nous avons intérêt à élargir notre horizon, à nous rendre compte de ce qui se fait au dehors, à observer d’autres initiatives que les nôtres, d’autres manières de comprendre la vie. Toute la difficulté ne consiste que dans l’effort nécessaire pour s’arracher aux mille liens qui nous enveloppent et se lancer dans ce certain inconnu que n’éclairent jamais entièrement les renseignemens préliminaires.

Dès le départ, c’est l’existence au jour le jour, l’accoutumance rapide à de nouvelles manières de vivre, et on ne comprend tout à fait, qu’après l’avoir éprouvé, le charme infini des sentiers peu battus. Les difficultés sont toujours moindres qu’on ne vous les avait prédites. On finit toujours par passer, et plus aisément qu’on ne prévoyait. Sans compter que cette bonne vie nomade est saine à l’âme comme au corps. J’ai traversé impunément, pendant des mois, les brousses tropicales où gîte la fièvre sans en être incommodée : un microbe tue l’autre dans ce déplacement continuel, et je compte dans les beaux souvenirs de ma vie les mois qu’il m’a été donné, à différentes époques, de passer sous la