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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/451

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Les jougs, où s’accouplaient leurs larges fronts jumeaux,
Gisent abandonnés, stupides, presque mornes ;
Et le maître est pensif, qui décorait leurs cornes,
Quand ils rentraient, le soir, de fleurs et de rameaux.

Œil hagard, souffle court, poitrine haletante,
Le compagnon vivant, plein d’effrois ignorés,
Sent l’angoisse et l’horreur l’envahir par degrés.
Et beugle sans répit, las d’une vaine attente.

Il a vu passer l’ombre immense du trépas,
Et, bien que le bouvier ait garni l’ample crèche
De feuilles de maïs et de luzerne fraîche.
Le bœuf épouvanté songe et ne mange pas ;

Et la bête massive, auguste et lamentable,
Dont rien n’a consolé le sublime tourment,
Flaire de tous côtés mélancoliquement
L’âme obscure du frère éparse dans l’étable.


LEONCE DEPONT.