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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 155.djvu/596

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par des propriétaires intelligens : « Fontaines, jets d’eau et cascades, dit M. Eugène Muntz[1], bocages, berceaux et haies, treilles et treillages, fleurs d’agrément et plantes médicinales, grottes et souterrains, volières et orgues hydrauliques, statues et groupes, obélisques, vases, pavillons et promenoirs couverts, salles de bains, tout y était réuni pour charmer le regard ou favoriser le recueillement. »

Les jardins de France offraient ce même aspect de magasins de bric-à-brac. Le promeneur devait y aller de surprise en surprise et s’y perdre dans toutes sortes de « dédales, » combinés avec des trompe-l’œil ingénieux ; ainsi le voulait l’esthétique du genre, et les jardins les plus savamment machinés étaient réputés les plus beaux. Chez les Gondi, à Saint-Cloud, on admirait tout particulièrement, parmi plusieurs « raretés, » des fontaines, dont les eaux faisaient jouer des instrumens invisibles. Chez le duc de Bellegarde, rue de Grenelle-Saint-Honoré, la merveille du jardin était « une grotte éclairée d’arcades, ornée de grotesques et de termes marins ; couverte d’une voûte incrustée de coquilles et de quantité de rocailles ; de plus, si pleine de tuyaux, de canaux de jets d’eau et de robinets invisibles[2] » que le roi n’en avait pas davantage sur ses terrasses de Saint-Germain, ni le cardinal de Richelieu dans ses jardins de Rueil, où furent construites les premières cascades artificielles qu’on ait vues en France[3]. Au château d’Usson, chez la reine Marguerite, que d’Urfé a mise dans l’Astrée sous le nom de Galatée, le jardin était « agencé de toutes les raretés que le lieu pouvait permettre,… n’y ayant rien oublié de tout ce que l’artifice y pouvait ajouter, » et l’on avait « embelli » les bois de « diverses grottes, si bien contrefaites au naturel, que l’œil trompait bien souvent le jugement[4]. » La plus célèbre était « l’antre de la vieille Mandragore, plein de tant de raretés et de tant de sortilèges, que d’heure à autre, il y arrivait toujours quelque chose de nouveau. » La voûte de l’entrée était soutenue par deux Termes, « qui étaient fort industrieusement revêtus de petites pierres de diverses couleurs ; les cheveux, les sourcils, les moustaches, la barbe et les deux cornes de Pan étaient de coquilles de mer, si proprement mises que le ciment n’y paraissait

  1. Histoire de l’art pendant la Renaissance.
  2. Sauval, Les Antiquités de Paris.
  3. Dulaure, Environs de Paris.
  4. L’Astrée.