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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/895

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UN
SECRÉTAIRE DE NAPOLÉON Ier
LE BARON MENEVAL


I

Napoléon cherchait un jour dans son cabinet quelque note qu’il voulait montrer à l’un de ses ministres. Au milieu des papiers, ses regards tombèrent sur cette lettre commencée : « Chère amie, depuis trente-six heures, je n’ai pu quitter le cabinet de l’Empereur... » Il lut tout haut les deux premières lignes, et dit au ministre : « — Vous voyez qu’il trouve encore le temps d’écrire des douceurs à sa femme, et il se plaint ! »

L’homme qui avait dérobé à son travail coutumier trois minutes sur trente-six heures pour tracer ces lignes était le baron Meneval, Secrétaire du Portefeuille.

Né à Paris, en 1778, Claude-François Meneval, au sortir du collège Mazarin, pensa d’abord à écrire. Le vieux Palissot, l’auteur de la Dunciade, l’ayant pris en amitié, il devint un des familiers de la maison. Presque chaque soir, Palissot, qui ne sortait plus guère, recevait quelques amis. On jouait au whist et l’on causait littérature. Les habitués étaient Marie-Joseph Chénier, Talma, Saint-Ange, Mlle Contat, de la Comédie-Française, Écouchard-Lebrun, Gabriel Legouvé, Domergue, Félix Nogaret. C’était le dernier salon littéraire de ce siècle finissant qui en avait eu de si brillans et de si fameux. Meneval se lia avec plusieurs amis de Palissot, notamment avec Domergue. Celui-ci le présenta un