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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/110

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prendre l’idiome national, à la place des patois provinciaux, amène l’enfant à montrer plus de dignité, à respecter davantage ses camarades, à se sociabiliser. Est-ce h dire que, pour les jeunes Français au moins, la disparition de nos dialectes historiques n’équivaudrait pas à une vraie perte esthétique et morale ? La question vaut la peine d’être examinée, et j’y reviendrai dans le livre que je prépare sur l’Éducation intellectuelle dès le berceau.

Dans les Lettres sur les programmes, je me borne à noter une discussion intéressante sur la manière d’enseigner la composition. Au début, dans les écoles élémentaires, c’est la mise par écrit des leçons de choses. « La synthèse de chaque leçon de choses, faite d’abord oralement, et reproduite sur le papier, est déjà une composition littéraire. » Mais il ne convient pas, suivant l’auteur, de partir de l’imitation pour former les élèves à cet exercice. Les raisons qu’il en donne ne sont pas de celles que nos éducateurs sont le plus habitués à mettre en lumière. L’auteur les emprunte à M. Bertoli ; « En partant de l’imitation on part des actes réflexes de l’esprit, on part de la raison de la chose qui n’est pas encoie dans l’intelligence ; on confond donc ici le commencement avec la fin. Comme il ne peut y avoir dans un tel exercice aucune activité de la part de l’élève, il est condamné à l’inertie ; ainsi, l’on ignore ou l’on oublie que l’esprit est de sa nature réceptifréactif ; ou, tout au plus, l’on cultive la passivité de l’esprit au détriment de son activité. » La conclusion, un peu exagérée, selon moi, c’est que les exercices d’imitation doivent être bannis des écoles élémentaires, mais qu’ils peuvent quelquefois être adoptés dans les classes supérieures, pour habituer les élèves au bon goût de la forme. C’est, si je ne me trompe, du Jacotot à dose extrêmement légère, et ce n’en est peut-être pas plus mauvais pour cela. C’est là encore un point à examiner sérieusement, sur lequel je me suis expliqué déjà et m’expliquerai à nouveau.

Le jugement rendu sur Siciliani doit intéresser les lecteurs de cette Revue, que M. Espinas, M. Compayré et moi-même, avons mis au courant des essais philosophiques et pédagogiques de ce vaillant et sympathique lutteur, mort sur la brèche, en pleine maturité d’esprit. « Sur Siciliani, dit M. Scaglione, on a dit tout le mal et tout le bien possibles. » Il trouve cependant de nouvelles critiques et de nouveaux éloges. Il lui reproche d’avoir voulu se montrer un esprit bien tempéré, et, par suite, d’avoir confondu le matérialisme avec le vrai positivisme ; d’avoir juge avec quelque inexactitude la doctrine de révolution, qui est d’un si grand secours pour l’explication de l’âme, car elle en présente la genèse ; d’avoir négligé, relativement à cette question de l’âme, les observations faites par les physiologistes, les phrénologues et les craniologues les plus célèbres. Sur cette question métaphysique, l’auteur partage les idées d’Angiulli (voir la Filosofia e la Scuola, passim) : entre les sensations et les plus hautes facultés de l’esprit, il n’y a pas différence d’origine, mais différence de degré, et il