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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/269

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p. janet. — cas d’aboulie et d’idées fixes

primés ou altérés, sur les idées, sur la mémoire et même sur la perception. Cela nous permettra d’abord de bien comprendre le rôle de la volonté qui est beaucoup plus étendu qu’on ne le croit, et ensuite peut-être de nous faire une idée un peu plus précise du fait psychologique qui mérite particulièrement le nom de volonté, car c’est ce fait principal qui, chez notre malade, se montrera particulièrement altéré.

I. — Antécédents.

Il est toujours assez difficile de recueillir des renseignements précis sur la famille des malades, et nous n’avons obtenu que quelques indications qui ont cependant leur importance. Le père de Marcelle fut atteint d’une paralysie complète pendant les deux dernières années de sa vie, il mourut assez jeune, vers cinquante ans, sans avoir présenté ni troubles de la parole ni délire. Il est difficile de déterminer maintenant avec exactitude la nature de cette paralysie qui est toujours décrite d’une manière fort vague. Les parents du côté maternel sont un peu mieux connus : la grand’mère maternelle mourut dans un asile d’aliénés, elle était atteinte vraisemblablement de délire des persécutions. De ses deux filles, l’une, la tante de notre malade, eut une folie du même genre et mourut également enfermée à Vaucluse ; l’autre, la mère de Marcelle, ne fut jamais frappée d’aliénation proprement dite, mais elle semble faible d’esprit ; elle s’excite et perd facilement son sang-froid, surtout quand elle vient voir sa fille.

Cette famille eut dix enfants, dont six sont encore vivants. Les trois fils sont intelligents et travailleurs, quoiqu’on leur reproche leur caractère entier, personnel et égoïste, qui semble vraiment être de famille. Les trois filles sont toutes bizarres : les deux aînées présentent déjà, quoique à un plus faible degré, les tares morales qui ont constitué la maladie de la cadette. Elles sont très paresseuses et mêmes inertes ; « elles ont toujours l’air de penser à autre chose quand on leur parle », me disait une de leurs amies, La seconde surtout, qui est l’avant-dernier enfant de la famille, a des périodes de distraction et de tristesse qui touchent singulièrement à l’aliénation : il lui arrive de rester une quinzaine de jours sans vouloir parler à personne. Marcelle enfin, la dernière enfant, semble réunir en elle, en les augmentant, ces différents défauts de la famille.

Marcelle eut une enfance régulière, sans aucun accident, elle était vive et assez intelligente ; on se plaignait seulement de son mauvais caractère et de son entêtement. La moindre contrariété, la moindre