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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/271

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p. janet. — cas d’aboulie et d’idées fixes

ment les unes après les autres. Enfin au-bout de quelque temps Marcelle refusa absolument de manger et fit quelques tentatives de suicide qui nécessitèrent son internement à la Salpêtrière. Placée en 1889 dans le service de M. le Dr Falret, elle fut d’abord effrayée par le spectacle des malades et par la discipline de la maison, et elle se tint assez tranquille en dissimulant à tout le monde les pensées qui l’agitaient. Au bout de quelque temps, on crut à une certaine amélioration et on essaya de la rendre à ses parents, mais elle ne put rester chez elle et dut revenir à l’hospice cette année.

II. — Les mouvements.

Marcelle, quand on l’examine maintenant, est une grande et forte jeune fille qui semble bien constituée. La figure est régulière, sans asymétrie ni du crâne ni de la face, les cheveux bruns sont épais, sans épis ; les oreilles bien faites, ourlées avec lobule détaché ; les dents sont normales. Le seul signe de dégénérescence physique que nous constations, c’est la forme ogivale un peu accentuée de la voûte palatine.

Le fait le plus apparent que l’on constate avant tout chez cette personne, et le premier symptôme dont elle se plaint, si on l’interroge, est une difficulté singulière des mouvements. Elle reste en général immobile sur sa chaise, faisant machinalement un petit travail de crochet, et elle refuse presque toujours de se déranger ou de faire un mouvement quelconque. Quand on lui propose de faire un mouvement des bras, en particulier d’étendre la main pour prendre sur la table un objet qu’on lui montre, elle refuse d’un air chagrin et boudeur. Si on insiste beaucoup et longtemps, elle se soulève lentement et avance très légèrement la main, puis elle s’arrête immobile et dit : « Mais je ne peux pas », et retire le bras. Puis elle l’étend de nouveau un peu, reste en suspens, fait des mouvements inutiles, incohérents, et enfin par un mouvement brusque prend l’objet ; souvent elle le remet plusieurs fois sur la table avant de pouvoir décidément le garder dans la main. Ces hésitations pour prendre un porte-plume ou un verre peuvent durer un quart d’heure ou une demi-heure. Le plus souvent d’ailleurs, Marcelle ne persévère pas si longtemps et, après quelques essais infructueux, elle retire la main et ne bouge plus ; puis, d’un air de mauvaise humeur, elle déclare qu’elle ne peut pas et ne veut même plus essayer. C’est de cette dernière façon que les choses se passent quand elle est seule. Elle ne pourrait arrivera se déshabiller pour se coucher si on ne l’aidait ;