Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
g. mouret. — force et masse

tale, démontre qu’il n’y a qu’une seule espèce de matière.

Cette matière jouit de trois propriétés :

En premier lieu, elle ne peut prendre d’elle-même un mouvement de translation dans l’espace ;

En second lieu elle possède, lorsqu’elle tend à prendre une accélération, une certaine puissance, puissance qui ne s’exerce pas à distance, mais au contact ;

En troisième lieu, à l’état même de repos elle possède une certaine résistance, car elle détruit partiellement le mouvement.

Comme ces trois attributs coexistent toujours dans la matière, on les a réunis en un seul, et c’est à cet attribut complexe que s’applique le mot d’inertie. Cependant, dans le fond, l’inertie signifie plus spécialement le premier attribut, celui qui résulte de la première loi du mouvement de Newton, et la force d’inertie désigne spécialement le troisième attribut, la résistance d’un corps au repos, soumis à l’action d’un corps en mouvement. Le mot force est alors pris dans le sens de force passive, c’est-à-dire de résistance[1].

Il n’est pas inutile de faire remarquer qu’il faut se garder de confondre la résistance due à l’inertie avec celle due au frottement ou à la viscosité ; dans ces derniers cas, il y a destruction partielle d’énergie mécanique, force vive ou travail, tandis que dans la transmission de mouvement par contiguïté, l’énergie mécanique ne varie pas, mais se répartit simplement dans une plus grande masse.

L’inertie, considérée comme concept composé, n’est, à quelque point de vue qu’on la considère, ni un attribut du mouvement ni un attribut du corps en mouvement, car qu’il y ait mouvement ou repos, ou s’il y a mouvement, quelle que soit l’accélération du mouvement, l’attribut subsiste toujours, et il reste identiquement le même, puisqu’il n’est pas susceptible de degré. L’inertie est donc simplement un attribut des corps, un attribut de la matière, c’est-à-dire un attribut de tout ce qui nous procure les sensations du toucher et de la résistance, ou pour parler plus exactement, c’est un attribut invariablement lié à une sensation de résistance et de toucher.

L’inertie est, comme je viens de le montrer, un concept fondé sur la relation qui existe entre deux corps au contact, l’un des corps étant au repos, et l’autre tendant à prendre une accélération dirigée vers le premier, relation que j’ai appelée une transmission de mouvement par contiguïté. Jusqu’à présent nous n’avons pas cherché à

  1. Cf. spencer (Principes de psychologie, II, note du §  3-22). Dans la note en question, il est clair que Spencer entend par le mot force, une force active, c’est-à-dire une puissance proprement dite.