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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/89

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g. mouret. — force et masse

blance de ces réactions. Ou les deux corps comparés réduisent l’accélération g de quantités égales γ, ou ils réduisent cette accélération de quantités inégales y et y′ Nous commençons donc à saisir un nouvel attribut des corps, ou plutôt à établir des différences dans leur degré d’inertie.

Mais cette notion se précisera si nous notons une loi expérimentale, qui apporte encore une grande simplification dans la question. Ainsi, comparant deux corps A et A′ au point du vue de la résistance qu’ils opposent au mouvement du corps B, nous reconnaissons que le résultat de la comparaison n’est pas modifié, quand l’accélération g du corps B est modifiée, ou lors même qu’on substitue au corps B un autre corps C. Si les deux corps A et A′ sont semblables dans leur réaction sur le corps B, ils seront encore semblables dans leur réaction sur le corps C ; et s’ils sont dissemblables par rapport à B, ils seront encore dissemblables par rapport à C. On peut donc, dans la comparaison, faire abstraction du corps qui sert de terme commun, et c’est ainsi qu’on arrive au concept de masse.

Je ne puis préciser davantage ce concept sans entrer dans l’analyse du rapport d’égalité, analyse que je réserve pour un autre travail, mais les remarques qui précèdent suffisent largement pour donner une notion nette de la masse. La masse, c’est la force d’inertie, considérée comme susceptible de degré, et dépendant uniquement de la nature du corps en repos. La notion de masse diffère de la notion d’inertie, telle que nous l’avons établie, en ce qu’elle est vaguement quantitative. Elle en diffère encore en ce qu’elle n’est pas fondée sur la même relation. L’inertie suppose qu’on puisse concevoir, par une pure construction mentale, des corps qui ne créeraient aucun obstacle au mouvement. L’idée de masse repose sur la comparaison des effets réels produits par les corps en repos ; la masse implique l’inertie, et quelque chose de plus, qui est cette relation générale définie, établie entre les corps en repos (rapport d’égalité ou d’inégalité), relation qui n’est une relation générale que parce qu’elle est indépendante de la nature du terme commun, c’est-à-dire de la nature du corps considéré, et de son accélération.

L’inertie repose sur une loi de ressemblance entre tous les corps ; la masse repose sur une loi de ressemblance et de différence. Dans l’inertie, le fondement est une réduction d’accélération ; dans la masse, le fondement est la variabilité de cette réduction d’accélération. La masse est donc la véritable force d’inertie, et ce que l’on désigne sous le nom de force d’inertie n’est qu’une Puissance ou une Résistance, dans le sens que j’ai attaché à ces mots.