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Page:Ribot - La vie inconsciente et les mouvements, 1914.djvu/104

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plus que nous aurons encore à les interroger sur la question de la pensée sans mots.

Nous n’avons rien à dire de la valeur du but que les mystiques poursuivent ni des tendances affectives qui les entraînent vers ce but et les soutiennent. Seul leur état intellectuel nous concerne. Or, il est évident qu’ils s’efforcent de vider leur conscience de toute représentation, de la libérer des formes de l’espace et du temps, de s’identifier avec l’Absolu et de se penser « sub specie æternitatis ». Mais ce but qui serait l’idéal de la pensée sans image sous sa forme la plus complète, peuvent-ils l’atteindre ? Ils tendent vers une limite qui se dérobe, inaccessible à leur emprise. Dans son effort pour saisir l’insaisissable et atteindre l’inattingible, la pensée raréfiée, volatilisée, dénuée de ses conditions d’existence, n’est plus qu’un rêve qui peu à peu se rapproche d’un anéantissement total. Il y a plus : on peut se demander si cette connaissance intellectuelle, vide de toute représentation consciente, est en fait vide de tout contenu ayant une valeur psychique. N’est-il pas possible, qu’elle ait pour soutien un travail inconscient intense et d’une haute portée ? mais c’est une hypothèse qu’on ne