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Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/274

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tage général, ne soient pas forcés de renoncer à leurs justes prétentions, sous le prétexte que cela convient à l’État[1].

Mais, cette considération à part, il n’est pas du tout sûr que l’utilité publique gagnât quelque chose au sacrifice de la justice politique ; il n’est nullement certain que ceux qu’on libérerait du paiement des intérêts de la dette nationale, employassent cet argent d’une manière plus productive que ceux à qui il est incontestablement dû. En supprimant la dette nationale, le revenu d’une personne pourrait monter de 1,000 l. à 1,500 l. ; mais celui d’une autre baisserait de 1,500 l. à 1,000 l. Les revenus de ces deux individus, ensemble, montent à présent à 2,500 l. ; et ils ne vaudraient pas davantage après la banque-route. Si l’objet de tout gouvernement est de lever des impôts, il y aurait le même capital et le même revenu imposable dans un cas que dans l’autre.

Ce n’est donc pas le paiement des intérêts de la dette nationale, qui accable une nation, et ce n’est pas en supprimant ce paiement qu’elle peut être soulagée. Ce n’est que par des économies sur le revenu, et en réduisant les dépenses, que le capital national peut s’accroître ; et l’anéantissement de la dette nationale ne contribuerait en rien à augmenter le revenu ni à diminuer les dépenses. C’est la profusion des dépenses du gouvernement et des particuliers, ce sont les emprunts qui appauvrissent un pays ; par conséquent, toute mesure qui pourra tendre à encourager l’économie du gouvernement et des particuliers soulagera la détresse publique, sans doute, mais c’est une erreur et une illusion de croire qu’on peut soulager une nation du poids d’un fardeau qui l’accable, en l’ôtant de dessus une classe de la société qui doit le supporter, pour le faire peser sur une autre qui, suivant tous les principes d’équité, ne doit supporter que sa part.

  1. À Dieu ne plaise que je veuille qu’aucun Gouvernement manque de parole aux créanciers de l’État ; mais si jamais pareil malheur arrive entre Palerme et Edimbourg, on lira en tête de l’édit un beau préambule dans lequel il sera dit : « Attendu que les créanciers de l’État ont prêté, non pour l’avantage général, mais pour retirer un bon intérêt de leurs fonds ; attendu qu’ils ont prêté, non à nous, mais, à des gouvernants qui nous ont précédés, qui non-seulement n’étaient pas nous, mais ont employé cet argent à nous combattre, nous ou le système que nous chérissons ; attendu qu’ils n’ont été guidés par aucun sentiment de confiance, mais plutôt par le désir d’avoir une propriété que l’impôt n’atteint pas, et qu’on peut vendre à la Bourse du jour au lendemain ; attendu que la nation n’est point engagée par le vote de législateurs qui se disaient ses représentants, mais qui ne représentaient en réalité que la volonté des ministres occupés du doux emploi de dissiper les fonds de tous ces emprunts, etc., etc. » — J.-B. Say.