Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
du Chev. Grandisson.

ses mœurs l’opinion que je devois avoir de celles d’un homme dont je voulusse faire mon Mari. Mes mœurs, Mademoiselle ! s’est-il écrié, en changeant plusieurs fois de couleur. Mes mœurs, Mademoiselle ! a-t’il répété. Son exclamation ne m’a point effrayée ; quoique M. & Madame Reves parussent un peu surpris de ma franchise, mais sans me faire connoître qu’elle leur parût blâmable. Mes objections, Monsieur, ai-je repris, ne doivent pas vous offenser, puisque c’est vous-même qui m’en arrachez l’aveu, & que mon dessein n’est pas de vous faire des reproches ; mais, pressée par vos instances, je dois répéter… ma langue n’a pas laissé de me refuser ici son office. Mais il m’a dit, d’un air & d’un ton fort impatient ; continuez donc, Mademoiselle.

La hardiesse m’est revenue : en vérité, Sir Hargrave, je répete malgré moi que je n’ai pas de vos mœurs… (fort bien, Mademoiselle, a-t-il interrompu,) l’opinion que je dois avoir de celles d’un homme sur le caractere duquel je penserois à fonder mon bonheur pour cette vie, & toutes mes espérances pour l’autre. Ce motif est d’une haute importance pour moi, quoiqu’il ne m’arrive gueres de l’employer sans de fortes raisons. Mais permettez-moi d’ajouter que je ne suis point lasse du célibat. Je crois qu’il est toujours trop tôt, pour s’engager dans une carrière éternelle de soins ; & si je n’ai pas le bonheur de rencontrer un homme à