Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
Histoire

d’une violence inouïe ! Ne prêtez pas votre ministere, pour sanctifier un lâche attentat !

Le Ministre, si c’en étoit un, parut chercher à s’affermir sur ses jambes, pour soutenir sa monstrueuse grosseur, & prononça moins sa réponse qu’il ne la souffla par le nez. Lorsqu’il ouvroit la bouche, les croûtes du tabac tomboient jusqu’à ses dents, avec un ruisseau d’humeurs jaunes, qui leur donnoient la même couleur. Il me regarda du coin de l’œil ; & prenant mes deux mains, qui se trouverent comme ensevelies dans les siennes, il me pria de me lever, de ne pas m’humilier devant lui, & d’être bien assurée qu’on ne pensoit à me faire aucun mal. Je n’ai qu’une question à vous faire, me dit-il, en reprenant son haleine à chaque mot : Qui est le gentilhomme en galons d’argent, que j’ai devant moi ? Quel est son nom ?

C’est le Chevalier Hargrave Pollexfen, lui répondis-je, un des plus méchans hommes du monde, malgré l’apparence.

Le misérable Hargrave ne répondit que par un sourire, comme s’il eût pris plaisir à jouir de mon affliction. Ah ! Mademoiselle, interrompit le Ministre, en se baissant vers lui, parlez autrement d’un homme de cette distinction : & vous, Mademoiselle, puis-je savoir aussi qui vous êtes ? Quel est votre nom ? Mon nom, Monsieur, est Henriette Byron, une fille simple & innocente, ajoutai-je, en regardant mes habits,