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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/219

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du Chev. Grandisson.

avec de nouvelles instances de ne pas m’abandonner ; & la voyant prête à sortir, je voulus m’échapper avec elle. Mais l’indigne Personnage, se hâtant de pousser la porte, lorsque j’étois à moitié dehors, me heurta la tête avec tant de violence, qu’il me sortit aussi-tôt un ruisseau de sang du nez. Je poussai un cri. Il parut effrayé. Pour moi, je le fus si peu, que me tournant vers lui, je lui demandai s’il étoit satisfait, & je le félicitai de m’avoir ôté la vie. Au fond, ma vue s’étoit obscurcie ; je me sentois la tête fort pesante, & le bras tout brisé. Cependant, pour ne rien donner à la haine, je dois avouer que son intention n’étoit pas de me nuire.

Ma douleur étoit si vive, que je parus quelques momens comme hors de moi. Je me jettai sur la premiere chaise. Ainsi donc vous m’avez tuée ! répétai-je. Fort bien ; vous m’avez tuée de votre propre main. Il ne doit rien manquer à votre contentement : & voyant qu’il s’agitoit avec beaucoup de tendresse & d’effroi ; oui, ajoutai-je, vous pouvez gémir à présent sur le sort d’une malheureuse Fille à qui vous causez la mort. Au fond, je me croyois mortellement blessée. Je vous pardonne, lui dis-je encore. Appelez seulement les Dames. Retirez-vous, Monsieur, retirez-vous. Que je ne voie ici que des personnes de mon sexe. La tête me tournoit. Mes yeux ne distinguoient plus rien, & je perdois tout-à-fait la connoissance.