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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/220

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Histoire

On m’apprit ensuite qu’il avoit été dans la plus affreuse consternation. Il avoit fermé la porte en dedans ; & pendant quelques minutes, il n’eut pas assez de présence d’esprit pour l’ouvrir. Cependant les femmes, qui entendoient pousser des exclamations lugubres, vinrent frapper avec assez d’inquiétude. Alors il se hâta d’ouvrir, en se maudissant lui-même. Il les conjura de me donner du secours, s’il n’étoit pas trop tard. Elles m’ont dit que la pâleur de la mort étoit répandue sur mon visage, & que leurs premiers mouvemens n’avoient été que des lamentations. Mon sang s’étoit arrêté. Mais le Monstre, n’oubliant pas sa sureté au milieu de ses terreurs, eut l’attention de prendre mon mouchoir sanglant, dans la crainte qu’il ne servît de témoignage contre lui si j’étois morte, & passa dans l’autre chambre où il le jetta au feu. Le Ministre & son Assistant étoient au coin du feu, à boire de l’eau-de-vie brûlée. Ô, Messieurs, leur dit le Misérable, il n’y a rien à faire cette nuit. La Demoiselle n’est point en état… Prenez cette somme. Il les pria de se retirer, après les avoir payés libéralement.

La jeune Fille, de qui j’appris bientôt toutes ces circonstances, ajouta qu’en sortant de la Chambre, ils avoient offert de demeurer jusqu’au jour, pourvu qu’on fît bon feu, & qu’on ne les laissât pas manquer d’eau-de-vie ; mais qu’elle leur