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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/257

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du Chev. Grandisson.

peu souffert ; j’en convins avec lui. Il me fit une peinture fort vive de l’impatience qu’il avoit eue de me voir, & du chagrin qu’il auroit eu de partir pour Caermarthen, sans avoir souhaité toutes sortes de prospérités à sa cruelle Fille… car c’est en vain, me dit-il, c’est en vain, je le vois bien… & s’arrêtant, comme s’il eût craint d’achever, il demeura la bouche ouverte, & les yeux attachés sur mon visage.

De grace, Monsieur, interrompis-je pour le soulager, comment se porte mon Frere Fouler ? Votre Frere, votre Frere, répéta-t-il d’assez mauvaise humeur ; c’est mon chagrin & le sien, Mademoiselle… Mais je me garderai bien… il lui échappa quelques larmes, avec la facilité que les Vieillards ont à pleurer. Je pars demain, reprit-il ; on ne m’auroit pas vu à Londres, depuis deux jours, si je n’avois été retenu par l’impatience de vous voir. Vous me dites, chere Lucie, que vous avez été fort touchée d’une conversation entre le vieux Chevalier & moi, dont je vous ai déja fait le récit : mais vous ne le seriez pas moins, si je vous représentois la tendresse de ses adieux, & celle dont je ne pus me défendre moi-même en les recevant. Il me dit que M. Fouler devoit le suivre bientôt, si, si, si… ajouta-t-il, en me regardant d’un œil passionné, mais sans achever ce qu’il vouloit faire entendre. Je l’assurai que je serois charmée de voir mon Frere, pour lui souhaiter un heureux voyage.