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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/268

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Histoire

Qu’ai-je donc ? quand j’y pense ; & pourquoi me vanter comme je fais ? Assurément l’horrible entreprise de Sir Hargrave n’a point affecté ma tête. Il me semble néanmoins, que je ne suis point dans ma situation ordinaire. J’ai quelque chose qui m’étonne dans la tête ou dans le cœur, sans que je puisse savoir lequel des deux. Dites, chere Lucie, ne vous appercevez-vous de rien ? L’amitié vous oblige de m’avertir, si vous me trouvez quelque marque d’altération, d’autant plus qu’il ne faudroit pas que mon Oncle… Mais quelle raison ai-je de le craindre ? Je n’en connois aucune. Cependant ne lui lisez pas cet article. Les hommes, ma chere, ont si peu… dequoi dirai-je ? si peu de douceur & de complaisance dans leurs railleries ! J’aime mieux tomber entre les mains de ma Grand-Maman, entre celles de ma Tante & les vôtres.

Mais où en étois-je lorsque j’ai changé de sujet, & que je me suis laissée emporter par ma plume ? Je ne suis point accoutumée à ces égaremens d’imagination. Oh le Misérable Hargrave ! S’il y a quelque désordre dans ma tête, il ne peut venir que de lui. Je suis sûre que tout est droit dans mon cœur.

Je ne puis vous entretenir à présent que de Miss Grandisson & de son Frere. Quelles nouvelles scenes me sont ouvertes par ma disgrace ? Fasse le Ciel, suivant les vœux que Sir Charles a faits en ma faveur, que le mal devienne pour moi une source de biens !