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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/330

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Histoire

levres semblent demander la faveur de l’Assemblée. Un sourire forcé fait entendre qu’il tourneroit l’aventure en plaisanterie, s’il croyoit qu’elle dût lui nuire dans l’opinion de ceux qu’il voit autour de lui ; mais tous ses mouvemens font connoître qu’il sent la supériorité de celui dont il craint si vivement les moindres censures. Quel mari que M. Grandisson, pour une femme qui auroit l’ame supérieure à la sienne ! Qu’il lui feroit payer cherement cet avantage par ses artificieux dédains ! Mais il se fait honneur d’avoir évité jusqu’aujourd’hui les chaînes conjugales. Je crois, malheureusement pour notre Patrie commune, qu’elle a beaucoup plus de ces ennemis du mariage, qu’il n’y en avoit il y a peu d’années ; & insensiblement leur nombre, qui entraîne la condamnation de quantité de femmes au célibat, ne fera qu’augmenter de jour en jour.

Encore un mot sur M. Grandisson. Son âge est d’environ trente ans. On lui attribue la gloire d’avoir ruiné deux ou trois femmes. Sir Charles l’a rappellé depuis peu de mois à quelques sentimens de honte, contre lesquels il paroissoit endurci. On croit qu’il a diminué sa fortune, qui étoit fort considérable, par les désordres de sa vie & par sa passion pour le jeu. Sir Charles n’a pas trouvé de plus sûr moyen pour le guérir, que de l’engager souvent à lui tenir compagnie. Il connoît assez le prix de cette faveur ; car il avoue quelquefois à Miss Grandisson,