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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/386

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Histoire

a-t-il ajouté, d’être les plus méchans hommes du monde.

Ces quatre Amis doivent dîner aujourd’hui chez Sir Charles. Mais Sir Hargrave n’en marque pas autant de joie que les autres, & doutoit même encore s’il pourroit prendre assez sur lui pour s’y trouver. Mr Jordan se fait honneur d’avoir ménagé l’invitation, sur une légere ouverture de Sir Charles, & déclare qu’il ne veut perdre aucune occasion pour se lier plus étroitement avec un homme qu’il fait profession d’admirer.

En prenant congé de nous, Sir Hargrave a marqué tant d’abattement, & j’ai cru voir en effet, qu’il est si mortifié du changement d’une figure dont il paroissoit s’applaudir avec tant de complaisance, que j’en aurois eu quelque pitié, si je n’avois combattu ce sentiment. Pendant plus d’une heure, ma chere, qu’il a passé avec nous, il ne s’est pas regardé une seule fois dans les glaces. Il parle de se retirer dans une de ses Terres, ou d’aller passer quelques années dans les Pays étrangers, s’il est condamné, dit-il, à perdre toutes ses espérances. Des espérances ! le Misérable ! Mais lorsque j’y pense, je ne sais si sa mortification n’est pas ce qui pouvoit lui arriver de plus heureux, elle ne demande que d’être accompagnée d’un peu de patience. Il est à présent fort laid, mais son bien en fera toujours un homme d’importance. Il pensera mieux des