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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/48

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en ordre & en rang, comme dans un marché. De ce que trois ou quatre étourdis de notre canton paroissent avoir quelques vues sur elle, comme des Marchands qui enchérissent l’un sur l’autre dans une vente, vous concluez qu’à Londres elle ne mettra pas le pied hors de sa porte, sans voir grossir le nombre de ses Courtisans.

Mon Oncle se défioit donc de ma tête, & ne me croyoit pas capable de soutenir le vol que l’indulgence de mes autres amis me faisoit prendre. Il est vrai, ma chere Lucie, que notre sexe n’a que trop de penchant à se croire flatté, par des apparences d’admiration de la part de l’autre ; mais je me suis toujours efforcée de m’élever au-dessus de ce fol orgueil, par les considérations suivantes. La flatterie est le vice commun des hommes. Ils ne cherchent à nous élever, que pour nous faire tomber dans l’abaissement, & pour s’exalter eux-mêmes sur la ruine de l’orgueil qu’ils trouvent en nous, & qu’ils ont l’art de nous inspirer. Comme l’humilité brille avec plus d’éclat dans les autres conditions, c’est aux femmes les plus exposées à la flatterie, qu’elle fait aussi le plus d’honneur. Celle qui s’enfle des louanges des hommes, sur les avantages personnels qu’ils paroissent lui supposer, répond à leurs vues, & semble reconnoître qu’elle doit sa principale gloire à leur admiration ; & c’est se rabaisser autant qu’elle les releve. Les femmes