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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/74

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figure, quand on la préfère aux qualités de l’ame ? Cependant les soins qu’il y apporte réussiroient mieux, à mon avis, s’ils étoient moins apparens. Son inquiétude est extrême, pour tenir tous ses ajustemens dans l’ordre. Il n’oublie pas de rendre ses devoirs à chaque trumeau ; mais il le fait avec une sorte de circonspection, comme s’il vouloit déguiser une vanité, trop visible pour que personne puisse s’y tromper. S’il se voit observé, il se retire d’un air à demi négligé ; mais un peu mécontent néanmoins, en feignant d’avoir découvert dans sa personne, quelque chose qui lui déplaît. Cette plainte ne manque guères de lui attirer un compliment, auquel il fait juger qu’il est très-sensible, par l’air affecté avec lequel il s’en défend. Oh ! Monsieur, oh ! Madame, vous me faites grace.

Tel est le Chevalier Pollexfen. Il a pris place auprès de la Provinciale ; & donnant carriere à sa galanterie, il s’est répandu en si beaux discours, qu’il ne m’a pas laissé un instant pour lui faire connoître qu’on n’est pas d’une sottise absolue dans ma Province. Il a soutenu que j’étois une parfaite Beauté. Il m’a supposée d’une extrême jeunesse. Tous éloges assez fades, en vérité ; tandis que par les airs qu’il se donne, il paroissoit sûr de mon admiration. Je l’ai regardé plusieurs fois, assez fixément ; & mes yeux étant une fois tombés sous les siens, j’ose assurer que dans ce moment il prenoit pitié du pauvre