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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/148

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Histoire

Bemont & des Dames de Florence, qui la nommoient leur innocente visionnaire, & qui avoient conçu beaucoup de tendresse pour elle. Madame Bemont assure que la douceur avec laquelle on la traitoit, dans une société de Femmes sages & aimables, auroit pu servir par degrés à la rétablir.

Elle fait ensuite le récit des rigoureux traitemens auxquels sa malheureuse Amie fut livrée. Sir Charles auroit souhaité ici d’interrompre sa lecture. Il m’a dit qu’il ne pouvoit continuer sans une altération de voix qui augmenteroit ma douleur, & qui me feroit connoître la sienne. En effet, il m’étoit échappé quelques larmes en lisant les deux premieres Lettres, & pendant qu’il m’avoit lu cette partie de la troisieme. Je ne doutois pas que ce qui restoit à lire ne les fît couler ouvertement. Cependant je l’ai prié de me laisser lire moi-même. L’infortune, lui ai-je dit, n’est pas un spectacle Étranger pour moi. Je sais prendre intérêt aux peines d’autrui, sans quoi je ne mériterois point qu’on en prît aux miennes. Il m’a montré l’endroit, & sans ajouter un mot, il s’est retiré vers une fenêtre.

Madame Bemont raconte que la triste Mere se vit forcée d’abandonner entiérement sa Fille à la conduite de Madame de Sforce, qui se hâta de l’emmener avec elle dans son Palais de Milan. On la pria néanmoins de n’employer que des rigueurs nécessaires. Elle le promit, mais elle commença