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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/36

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Histoire

n’a point de repos qu’il n’ait répandu son plaisir ou sa peine dans le cœur auquel il s’est associé, & cette ouverture mutuelle rend le lien encore plus étroit. Au contraire, dans quelle solitude, dans quelle tristesse & quelles ténebres ne tombe point une ame qui ne peut confier à quelqu’un ses pensées les plus intimes ? Le poids du secret, s’il est question d’une affaire intéressante, opprime nécessairement un cœur sensible ; la plus profonde mélancolie vient à la suite. Pour le monde entier, je ne voudrois pas avoir reçu du Ciel une ame incapable d’amitié ; & l’essence de ce divin sentiment n’est-elle pas la communication, le mêlange des cœurs, le plaisir de verser son ame dans celle d’un véritable Ami ?

J’en conviens ; mais vous avouerez aussi, Madame, qu’une jeune personne peut se trouver sans un véritable Ami ; ou quand elle auroit quelqu’un dont elle connoîtroit la fidélité, sa confiance peut être refroidie par les qualités personnelles, par la différence de l’âge, par celles des conditions, comme il m’arrive à l’égard de ma Camille, qui est d’ailleurs une excellente fille. Dans l’état où nous sommes nées, vous savez, Madame, que nous avons autour de nous plus de Courtisans que d’Amis. Le défaut de Camille est de me tourmenter continuellement, de toucher sans cesse la même corde, apparemment par l’ordre de ma Famille. Si j’avois quelque ouverture à