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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/374

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Histoire

de tous les Êtres, je me sens déja changée, par une séduction irrésistible, jusqu’à prendre, en ta faveur, une meilleure opinion de ce que j’ai détesté. De quelle force seroient les avis du plus pieux Directeur, lorsque tes caresses, & tes douces persuasions, s’employeroient à pervertir un cœur tout à toi ? Je sais que l’espérance de te convaincre toi-même me donneroit la force de disputer avec toi : mais ne te connois-je pas des talens fort supérieurs aux miens ? & quel seroit mon embarras, entre le sentiment de mon devoir & la foiblesse de ma raison ? Alors, un Directeur ne manqueroit point de s’allarmer pour moi. Mon sexe n’aime pas les soupçons dont il se croit offensé ; ils produisent le mécontentement & l’aversion : & ton amour, ta bonté, emportant bientôt la balance, ma perte ne seroit-elle pas certaine ?

» Et que m’ont fait mon Pere, ma Mere, mes Freres, pour m’inspirer l’envie de les quitter, & pour me faire préférer à ma Patrie, un Pays que je haïssois il n’y a pas longtemps, aussi bien que sa Religion ? Le changement même, qui a fait disparoître cette haine, n’est-il pas une autre preuve de ma foiblesse & de ton pouvoir ? Ô le plus aimable des hommes ! Ô toi, que mon ame adore, ne cherche point à me perdre par ton amour ! Si je me donnois à toi, un devoir trop cher me feroit oublier