Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
195
du Chev. Grandisson.

toujours été de le voir à une Femme d’un mérite si supérieur.

Mais qui seroit capable de refuser de la compassion à ce glorieux Homme ? Ô ma chere, je me perds dans un tel sujet ! Je ne sais que vous dire. S’il falloit vous rapporter tout ce que j’ai pensé, quelles ont été mes émotions, en lisant, tantôt sa généreuse pitié pour le Comte de Belvedere, tantôt ses nobles & respectueux discours à la premiere de toutes les Femmes ; les agitations de cette incomparable Clémentine, avant que de lui livrer son Écrit… cet Écrit qui surpasse tout ce que j’ai jamais lu de notre sexe, si conforme néanmoins à la conduite qu’elle avoit tenue, lorsqu’un combat sans exemple entre sa Religion & son amour lui avoit coûté sa raison ; sa délicatesse, sa fermeté dans les principes de sa foi, en un mot, tous les grands traits de l’un & de l’autre, dans les différens jours sous lesquels ils paroissent tous deux ; s’il falloit vous dire tout ce qui s’est passé dans mon cœur, un volume seroit bien éloigné de suffire, & je ne sais quelle mesure pourroit contenir mes larmes. Il suffit de vous avouer que pendant deux jours & deux nuits, je n’ai pas eu la force de me lever, & que ce n’est pas sans difficulté que j’ai obtenu la permission de vous écrire, car les Médecins parlent de me tenir confinée dans ma chambre pendant toute une semaine. Sir Charles se plaint amérement de l’incertitude ; c’est en effet un cruel tourment !