Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
Histoire

de dire ; persévere, Clémentine, & je ne te reprocherai pas d’être ingrate.

Ô Chevalier ! je ne crains rien tant que le reproche d’ingratitude, de la part de ceux que j’aime. Ne l’ai-je pas mérité ? Êtes-vous bien persuadé que je ne le mérite point ? Vous me l’avez dit. Si ce n’étoit pas un pur compliment, pourquoi ne me dites-vous pas comment je puis être reconnoissante ? Êtes-vous le seul au monde, qui veuille & qui puisse lier par des bienfaits, sans desirer qu’on s’acquitte envers lui ? Quel service n’avez-vous pas rendu à la jeunesse inconsidérée de mon Frere, dès les premiers tems de votre liaison ? Malheureux jeune homme ! & quel retour vous a-t-il fait éprouver ? Aujourd’hui, sa générosité le porte à s’en accuser lui-même. Il nous a raconté quelle héroïque patience vous eûtes avec lui. Qu’il doit vous aimer ! Après une longue interruption, votre bravoure lui sauva la vie. Cependant vous n’avez pas trouvé, dans quelques personnes de notre Famille, toute la reconnoissance que vous étiez en droit d’en attendre. Ce souvenir nous coute de mortels regrets. Vous fûtes obligé de quitter notre Italie. Cependant, rappellé par votre Ami, dont on commençoit à croire les blessures incurables, vous vous êtes hâté de revenir ; vous êtes revenu pour sa Sœur, blessée à la tête, blessée au cœur ; vous êtes revenu pour son Pere, sa Mere, ses Freres, blessés jusqu’au fond de l’ame,