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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/48

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Histoire

toujours que la victoire seroit pour lui. J’ai combattu fortement. Mais chaque jour augmentant les difficultés, j’ai senti que le combat étoit trop violent pour mes forces. Que n’avois-je alors une Madame Bemont à consulter ! Il n’est pas surprenant que je sois devenue la proie d’une noire mélancolie qui m’a forcée au silence !

Enfin, le Chevalier prit la résolution de nous quitter. Quelle peine, & quel plaisir néanmoins, ne ressentis-je point de cette nouvelle ? J’espérai de bonne foi que son absence rétabliroit mon repos. La veille de son départ, je me fis un triomphe de la conduite que je tins avec lui devant toute ma Famille. Elle fut uniforme. Je parus gaie, tranquille, heureuse dans moi-même, & j’admirai la joie que je causois à mes chers Parens. Je fis des vœux pour le bonheur de sa vie ; je le remerciai du plaisir & de l’utilité que j’avois tirée de ses leçons ; & je lui souhaitai de n’être jamais sans quelqu’un, dont l’amitié lui fût aussi agréable que la sienne l’avoit été pour nous. Je fus d’autant plus contente de moi-même, que je ne me sentis point dans la nécessité de me faire violence, pour cacher les tourmens de mon cœur. J’en augurai bien pour l’avenir ; & mes adieux furent plus libres qu’il ne sembloit s’y attendre. Je crus voir pour la premiere fois dans ses yeux, un air d’intérêt, qui me donna pour lui-même une pitié, dont je me figurai que le besoin étoit