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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/49

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du Chev. Grandisson.

passé pour moi. Cependant j’eus un instant d’émotion à son départ. Lorsque la porte se ferma sur lui : elle ne se rouvrira donc jamais, dis-je en moi-même, pour recevoir cet agréable Étranger ! Cette réflexion fut suivie d’un soupir. Mais qui auroit pu le remarquer ? Je n’ai jamais vu partir mes Amis sans donner quelque marque de sensibilité à leur séparation. Mon Pere me serra contre son sein. Ma Mere m’embrassa. Mon Frere l’Évêque me donna mille noms tendres ; & tous mes Amis, ne pensant qu’à me féliciter de ma gaieté, me dirent qu’ils commençoient à reconnoître leur Clémentine. Je me retirai, pleine de la satisfaction que je venois de répandre dans une chere Famille, où j’avois fait régner long-temps la tristesse.

Mais hélas ! ce nouveau rolle étoit trop difficile à soutenir. Les plaies étoient trop profondes… Vous savez le reste, Madame, & que toutes les douceurs de la vie sont perdues pour moi. Jamais, jamais, quand mon sort seroit entre mes mains, je ne serai la femme d’un homme qui fait profession d’être l’Ennemi d’une Foi dans laquelle je n’ai jamais chancelé, & que je n’abandonnerois pas pour une Couronne, fût-elle sur la tête de l’homme que j’aime, & le refus que j’en ferois dût-il être vengé par une mort cruelle, dans la plus agréable saison de ma vie.

Un déluge de larmes l’empêcha de parler