Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
du Chev. Grandisson.

beaucoup votre fortune au-dessus de ce qu’elle peut être par vos espérances naturelles. Pourquoi ne jeterions-nous pas les yeux devant nous sur votre postérité, comme Italiens ? Et dans cette supposition… Il s’arrêta. Sa conclusion n’étoit pas difficile à deviner. Je ne suis pas plus capable, lui dis-je, de renoncer à ma Patrie qu’à ma Religion. Je laisserois ma postérité libre, mais je ne voudrois, ni la priver d’un attachement dont je fais gloire, ni priver mon Pays d’une race qui ne lui a jamais fait déshonneur.

Le Général prit du tabac, jetta un coup d’œil sur moi, & tourna la tête d’un air trop sourcilleux. Je ne pus m’empêcher d’y être sensible.

Je n’ai pas peu de peine, Monsieur, lui dis-je à soutenir les difficultés de ma situation, jointes sur-tout aux chagrins qu’elle me cause en elle-même. Passer ici pour coupable, sans avoir rien à me reprocher dans mes pensées, dans mes paroles & dans mes actions… Convenez, Monsieur, que rien n’est plus dur.

Oui, mon Frere, interrompit Jeronimo. Le grand malheur de cette avanture, ajouta-t-il, avec beaucoup de bonté, est que le Chevalier Grandisson n’est point un homme ordinaire, & que ma Sœur, qui n’étoit pas capable de prendre de l’attachement pour un mérite commun, n’a pu demeurer insensible au sien.