Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
du Chev. Grandisson.

noissoit la vivacité de son Frere, & que moi-même après les scenes précédentes, je devois peut-être marquer moins de ressentiment que de pitié. Je lui répondis que c’étoit un juste égard pour la délicatesse de sa Sœur, à laquelle j’étois attaché par les plus tendres sentimens, autant que la nécessité de justifier ma propre conduite, qui ne m’avoit pas permis d’entendre le terme de refus sans émotion.

Sans émotion ! reprit le général. Le terme est doux pour ce qu’il peut signifier. Mais moi, qui n’apporte point tant de choix aux expressions, je ne connois que celles qui s’expliquent par les actions.

Je me contentai de lui dire que j’avois espéré de sa part plus de faveur que d’éloignement pour le compromis. Il prit un ton plus tranquille : de grace, Chevalier, considérez de sang froid le fond de cette affaire. Que répondre à notre Pays, car nous sommes gens publics, à l’Église, à laquelle nous appartenons dans plusieurs sens, à notre propre caractere, si nous acceptons pour une Fille, & pour une Sœur, la main d’un Protestant ? Vous vous intéressez, dites-vous, à son honneur : que répondrons-nous pour elle, si nous l’entendons traiter de Fille aveuglée par l’amour, que sa passion a rendue capable de refuser des Partis de la premiere distinction, tous de sa Religion & de son Pays, pour se jeter entre les bras d’un Étranger, d’un Anglois…