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Page:Richepin - Mes paradis, 1894, 2e mille.djvu/369

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LES ÎLES D’OR

Mais quoi ! Te suffit-il, ton oisif repentir ?
Te contenteras-tu de plaindre le martyr,
De verser à sa fièvre un peu d’eau qui la calme,
Même de lui planter dans la main une palme ?
Et vas-tu lâchement devant sa croix t’asseoir,
Lui disant que peut-être, un jour, demain, ce soir,
Quelqu’un viendra, meilleur que toi, qui le délivre ?
Ah ! sans doute, tu n’as que cette arme, le livre,
Des vers, des rimes, pour l’arracher de sa croix.
Qu’importe ! Sers-t’en ! Dis ! Parle ! Ce que tu crois,
Ce que tu veux, ce que tu sens, ce que tu rêves,
Tout ce qui te paraît pouvoir rendre plus brèves
Les affres qu’il endure et depuis si longtemps,
Dis-le, dis-le ! Parmi les rires insultants
Des méchants et des sots se faisant une fête
D’appeler charlatan qui s’érige en prophète,
Dis-le ! Malgré les cris du cafard, du bedeau,
Refusant à l’athée un désir de Credo,
Dis-le ! Même en dépit de ceux pour qui tu plaides,
Les beautés de ta foi pouvant leur sembler laides,
Dis-le ! Quand le martyr, du haut de ses douleurs,
Le martyr dont tu bois dévotement les pleurs,
Dont tu viens de baiser les saignantes blessures,
Te paierait tes baisers en crachats et morsures
Et clamerait que tu le trahis, que tu mens,
Ce que tu veux tenter pour guérir ses tourments,