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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/137

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du pays, accablé d’impôts, livré au brigandage des puissants et n’ayant plus d’espoir que dans l’Empereur. Il attaqua surtout avec violence la conduite des agents du pouvoir qui n’ambitionnaient de hautes fonctions que pour s’abandonner à tous les excès.

— La paix et le trouble, dit-il en terminant, dépendent, des ministres. Les emplois ne doivent pas être confiés à ceux qui ne suivent que leurs passions, mais à ceux qui ont de la capacité. Les honneurs doivent être réservés pour les sages, non pour les méchants.

— Et voilà pourquoi, reprit l’Empereur, je vous ai appelé d’une condition obscure au plus haut emploi du gouvernement. C’est bien. Je suis content de vous.

Puis le prenant à l’écart, il lui expliqua par quel merveilleux hasard Lieou le bossu avait été appelé à la cour. Lieou représenta qu’il n’avait point reçu une assez grande instruction et qu’il ne se sentait pas capable de gouverner un empire. Mais le prince, satisfait du bon sens et de la modestie de son nouveau ministre, lui intima l’ordre de garder le pouvoir et de s’en servir avec énergie.

Tout changea aussitôt. Consacrant ses jours et ses nuits au travail, consultant sans relâche les notes relatives à la conduite de chaque mandarin, Lieou réorganisa l’administration, chassant et punissant sans pitié les prévaricateurs, et appelant autour de lui les hommes distingués qui restaient confondus dans les derniers rangs. On comprend que cette sévérité ne devait pas plaire aux courtisans ; un parti puissant se forma contre ce maudit bossu, qui ne permettait pas à un fonctionnaire de voler ses subordonnés ; mais le ministre, insensible aux sarcasmes comme aux murmures, poursuivait sa tâche et trouvait d’assez amples consolations dans les bénédictions du peuple.

Un soir qu’il se promenait sous un déguisement dans la ville, il s’aperçut que les gardiens des portes, malgré la consigne, les ouvraient à tout venant, après l’heure de la fermeture. Cet abus était