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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/138

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d’autant plus dangereux qu’on craignait à chaque instant une tentative des Sourcils-rouges, brigands qui désolaient les provinces et qui étaient ainsi nommés parce qu’ils se peignaient les sourcils en rouge, en signe de ralliement. Lieou ordonna aussitôt que les règlements fussent exécutés et menaça de peines sévères ceux qui y contreviendraient. Quelques jours après, l’Empereur étant allé à la chasse prolongea tellement le repas du soir que lorsqu’il arriva à la ville les portes étaient fermées. Il se trouva par hasard que le premier ministre passait sur les remparts en faisant sa ronde habituelle, au moment où les soldats de la garde impériale frappaient à l’une des portes. Il s’avança, et demanda qui voulait rentrer si tard.

— L’Empereur, répondit d’un ton insolent un soldat qui ne reconnaissait pas le ministre.

— L’Empereur, reprit Lieou, est soumis aux lois comme le plus obscur de ses sujets. Les règlements s’opposent à ce que les portes soient rouvertes à cette heure ; l’Empereur ne rentrera pas.

La stupéfaction fut grande parmi les courtisans, et ils se regardaient tout étonnés de ce qu’ils appelaient, l’insolence d’un parvenu, lorsque l’Empereur, impatienté, piqua son cheval et s’avança en demandant la cause de ce retard. La réponse du ministre lui fut rapportée, et même avec quelques exagérations. Le prince devint pâle de colère et ordonna qu’on frappât de nouveau à la porte. Mais les gardiens répondirent que cette insistance était inutile et que, malgré tout leur respect pour le chef de l’État, ils n’ouvriraient la porte qu’à l’heure prescrite.

« Allons ! dit l’Empereur en souriant avec amertume, si les gardiens des autres portes suivent aussi fidèlement les ordres de mon ministre, je me verrai forcé de retourner au palais de chasse ou de coucher à la belle étoile. »

Lieou, en poursuivant sa route, avait recommandé aux chefs des