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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/158

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le trône, alors j’apprendrai ce qu’un prince doit savoir. Mais aujourd’hui que je suis libre, ne vaut-il pas mieux jouir de la vie ? » C’est ce que lui répétaient ses compagnons, toujours empressés à flatter ses caprices, à satisfaire ses passions : aussi tous les conseils du père et de quelques hommes sages étaient-ils inutiles. Malheur, mes enfants, à celui qui repousse les avis des vieillards !

« Della était à la chasse lorsqu’on vint lui apprendre la mort de son père. Après avoir pleuré longtemps cette perte irréparable, car il était doué d’excellents sentiments, et on ne pouvait lui reprocher que sa paresse et son amour pour le plaisir, il monta sur le trône. Alors toutes ses illusions disparurent, et il ne tarda pas à se repentir de n’avoir pas suivi les conseils de son père. Pour gouverner un peuple, il ne suffit pas de bonnes intentions ; il faut de l’activité, du courage et des connaissances qu’on n’acquiert pas en quelques mois. Perdu au milieu des détails d’une vaste administration, ignorant les ressources de son royaume, le système du gouvernement, ne connaissant pas même les hommes de mérite qu’il devait appeler au pouvoir, le nouveau prince commit des fautes graves ; puis, entraîné par son indolence naturelle, il négligea les affaires publiques, et s’abandonna tout entier aux plaisirs. Les courtisans, qui se modèlent sur le souverain, suivirent son exemple, et se livrèrent à tous les excès. Jamais l’Empire n’avait été aussi mal gouverné. Le peuple, accablé d’impôts, traité sans pitié par les fonctionnaires grands et petits, adressa ses plaintes au prince lui-même ; mais les courtisans avaient intérêt à conserver les abus : donc le peuple eut tort, et le désordre alla à son comble. Della déplorait souvent la misère de ses sujets ; mais ces bons sentiments passaient comme un éclair, il se sentait incapable d’arrêter le mal. La patience du peuple a un terme. Il n’y avait pas un an que Della était sur le trône, qu’une violente sédition éclata. Abandonné de ses serviteurs et poursuivi par une multitude furieuse, il n’eut que