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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/159

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le temps de s’enfuir hors de son royaume sous les vêtements d’un pauvre paysan.

« Il apprit en passant la frontière que la révolution était consommée ; un de ses cousins s’était emparé du trône, et toute résistance était désormais inutile. Qu’allait-il faire, cependant, sans ressources, sans talents, sans énergie ? Le pauvre prince, assis sur le bord d’une grande route, était plongé dans les plus tristes réflexions, lors qu’il entendit le son d’une cloche ; il se trouvait à côté d’un temple. Aussitôt il alla se jeter aux pieds de la statue de Fo, et il fit l’aveu de ses fautes, se reprochant surtout sa paresse et sa négligence. Il supplia Boudha de lui pardonner et de lui venir en aide dans les rudes épreuves qu’il allait supporter. Plus fort après cette prière, il continua sa route, bien disposé à recommencer une nouvelle vie et à chercher dans le travail une garantie contre la misère.

« À peine avait-il fait quelques pas qu’il rencontra un bûcheron se rendant à sa besogne journalière. Il lui demanda s’il avait besoin d’un compagnon et s’offrit pour partager ses travaux. Le bûcheron lui fit un tableau effrayant des fatigues qu’il aurait à supporter, de la position précaire dans laquelle il allait se trouver ; il ne put dissuader Della de son projet.

— Je ne sais rien, dit humblement le prince fugitif, je n’ai jamais rien fait ; mais je suis robuste de corps et mes bras sont assez vigoureux pour travailler avec vous.

« Le bûcheron lui donna une lourde hache, et tous deux entrèrent dans une forêt. Vous pensez bien, mes enfants, que le pauvre Della, malgré toute sa bonne volonté, commit plus d’une maladresse. Tantôt, il abîmait les outils, tantôt il coupait mal le bois, et alors le bûcheron, homme brutal et grossier, l’accablait d’injures ; vingt fois il faillit se blesser, vingt fois il fut sur le point de quitter sa besogne ; l’amour-propre et surtout la nécessité de gagner sa vie