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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/163

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une de vos pensées les plus secrètes ne m’a échappé. Prince, me reconnaissez-vous ?

« Aussitôt à la place du paysan parurent successivement le bûcheron qui avait recueilli le premier le prince fugitif ; puis le charpentier, le bonze, le marchand. Enfin comme dernière métamorphose, le paysan se changea en un génie ailé, dont la figure bienveillante et majestueuse inspirait tout à la fois l’affection et le respect.

— Je suis, dit-il, le Génie du Travail. Della, ta paresse et ton goût exagéré pour les plaisirs t’avaient fait perdre la couronne paternelle. Tu ne t’es pas abandonné à un stérile désespoir, et c’est par un travail assidu que tu t’es rendu digne de recouvrer le pouvoir. L’homme négligent et dissipé, qui se repose avant d’avoir terminé sa lâche, est méprisé de ses compagnons, et le dieu Fo ne le regarde pas d’un œil favorable ; car c’est une loi éternelle de ce monde qu’on ne puisse acquérir le bien-être qu’au prix d’une activité incessante. On se repent souvent pendant trois ans d’un jour perdu mal à propos. Le paresseux est donc malheureux, et il ne peut accuser que lui-même de sa mauvaise fortune ; tout, réussit, au contraire, à l’homme d’énergie qui ne se laisse pas abattre par les revers, et qui se crée de nouvelles ressources par de nouveaux efforts. Adieu, n’oublie jamais les dures leçons de l’exil, et tu pourras compter sur la protection du Génie du Travail.

« Il dit et disparut. »


— Mes enfants, ajouta le bonze en se retirant, voici le conte que je vous avais promis. Qu’il ne sorte pas de votre mémoire, et lorsque la paresse viendra s’emparer de vous, rappelez-vous les aventures du prince Della.

Les deux enfants baissèrent la tête et gardèrent le silence. Ils avaient compris la leçon du vieillard.