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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/229

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ter les caprices d’une de ses femmes, nommée Pao-sse. À cette époque, les Tartares menaçaient les frontières de l’Empire, et il était à craindre qu’ils n’envahissent le territoire chinois. Yeou-wang réunit des troupes autour de sa résidence, et il ordonna qu’en cas d’alerte on allumât des feux sur les hauteurs et que l’on battit le tambour ; à ce signal, les soldats devaient prendre les armes et venir se ranger autour de l’Empereur. Pour s’assurer du zèle et de la vigilance de ses généraux, il fit faire un soir les signaux d’alerte, et aussitôt les troupes accoururent de tous les côtés. Pao-sse, qui était triste et ennuyée depuis quelques jours, se trouvait dans une galerie élevée du palais ; en voyant cette multitude d’hommes qui s’agitaient en tous sens pour une fausse alerte et faisaient tant de mouvements inutiles, elle eut un accès de folle joie, et se mit à rire jusqu’aux larmes. L’Empereur, charmé de la gaîté de sa favorite, renvoya les troupes ; et quelques jours après, à la demande de Pao-sse, il ordonna encore une fausse alerte. Ce singulier amusement se renouvela plusieurs fois, à la grande indignation des généraux. Un jour, les Tartares passèrent la frontière et marchèrent sur le palais impérial ; les feux furent allumés et les tambours appelèrent les soldats aux armes. La plupart des troupes, se croyant encore le jouet de Pao-sse, ne firent aucun mouvement, et l’Empereur, surpris par l’ennemi, paya de sa vie sa conduite extravagante. — Maintenant, mon fils, nous allons lire quelques passages des livres sacrés ; mais avant de commencer la leçon, il faut que je t’adresse encore un reproche.

— Et pourquoi, grand-père ? En quoi vous ai-je offensé ?

— Je vois avec peine que tu oublies les sages préceptes des anciens philosophes. Tu aimes trop la toilette, et tu parais en public avec des habits fastueux, qui ne conviennent ni à ton rang ni à ton âge. Le luxe est la ruine de l’Empire, et les écrivains des temps passés ne sont remplis que de remontrances à ce sujet.