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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/230

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— Faut-il donc qu’un mandarin s’habille comme un batelier ? Faut-il que les gens riches n’aient que des vêtements mal propres et déchirés ?

— Tu tombes maintenant dans l’excès contraire. Un mandarin de première classe ne doit pas être confondu avec un homme de la populace ; mais pour un enfant, comme toi, car tu n’as pas vingt ans, il suffit, d’un vêtement propre et fort simple. Des habitudes de luxe, prises de si bonne heure, te seraient funestes. L’un de nos plus grands souverains, Houng-wou, avait défendu les robes de soie à quiconque n’était, pas de haut rang ; « Pour ce qui est des gens de travail, dit-il dans son édit, et de tous ceux qu’on appelle le peuple, il suffit qu’ils soient bien nourris et qu’ils s’habillent décemment. S’ils vont à l’excès dans la nourriture et l’habillement, ils deviennent débauchés et paresseux ; ils tombent bientôt dans la misère, et la misère les rend capables de tous les crimes. Je veux que l’on garde en tout les règles de cette bienséance que proscrit, la raison. » Le sage Empereur fit toujours observer ce règlement avec la plus grande sévérité. Un jour de cérémonie publique, il aperçut du haut de son trône un mandarin d’un ordre inférieur magnifiquement vêtu. Après la cérémonie, il appela le lettré :

— Voilà, lui dit-il, une étoffe de bien bon goût. Combien vous a coûté cet habit ?

— Cinq cents pièces de monnaie, répondit le mandarin.

— C’est beaucoup, reprit Houng-wou d’un ton sévère. Avec une pareille somme, une famille ordinaire, composée de dix bouches, aurait pu se procurer de quoi vivre à l’aise pendant une année entière. Un habit si beau dénote en vous de l’orgueil, parce qu’il est au-dessus de votre rang ; un habit qui coûte tant est un signe de prodigalité : deux grands défauts dans un mandarin. Gardez-vous bien de paraître désormais en ma présence avec un pareil vêtement ; je serais forcé de vous dégrader.