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Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/185

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LES MENDIANTS DE PARIS

XX

un pavillon isolé


Quelques mois s’étaient à peine écoulés depuis l’installation de Pascal à l’hôtel de Rocheboise, que cette maison avait pris un luxe et une grandeur cités dans tout Paris.

L’hôtel était entièrement renouvelé, les décors, l’ameublement, la livrée, les équipages resplendissaient de fraîcheur comme de richesse ; chaque partie avait sa perfection particulière, et se confondait dans une harmonie générale de goût et d’élégance.

C’était partout un luxe de bon aloi qui pouvait braver le grand jour et la pierre de touche : nulle imitation pauvre et vaniteuse ne rompait sa belle ordonnance. Chaque partie de l’univers avait bien réellement apporté son tribut à cette demeure somptueuse. Les étoffes venaient de l’Inde, les mosaïques de l’Italie, les marbres de la Grèce, les chevaux de l’Angleterre et de l’Arabie… Et le goût, la mollesse qui avaient arrangé les décors, composé l’atmosphère de ce délicieux séjour venaient en droite ligne de l’Orient voluptueux.

Les fêtes de l’hôtel étaient pour la ville un enseignement de magnificence et de distinction en même temps que des heures de paradis à savourer.

Voici comment la merveille s’était opérée.

Rocheboise aimait par-dessus tout la vie du monde et ses splendeurs. Il avait trouvé dans Pasqual un conseiller qui savait comprendre sa passion dominante, la lui expliquer à lui-même, lui en montrer la face la plus belle et la plus légitime, et par conséquent l’exalter au dernier point.

Pasqual était plus que cela.

En paraissant exécuter les embellissements ordonnés par son maître, il en était le créateur. Il apportait une imagination heureuse, une sorte de génie actif à l’application des œuvres de l’art et de l’industrie, et il avait surtout au dernier degré la force, l’aptitude, la persistance et la volonté qui manquaient à Rocheboise.

La nature avait fait beaucoup pour cet enfant de la campagne, et quelques années de séjour à Paris avaient suffi pour développer en lui une foule d’idées et de connaissances ; mais une inspiration intérieure, constante et forte, le rendait surtout merveilleusement habile à tout ce qu’il voulait entreprendre.