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Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/186

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LES MENDIANTS DE PARIS

En ce moment, attaché à la personne d’Herman de Rocheboise, il mettait un zèle, une activité, une verve infatigables à son service. Il se dévouait tout entier à ce qui pouvait donner le plus de satisfaction à son maître, à la splendeur de sa maison.

Heureusement doué, il apportait le sentiment de l’art dans les choses de luxe ; de même que le peintre dispose et anime ses couleurs, le musicien ses notes éparses, il savait donner à l’amas de richesses répandues dans l’hôtel une physionomie, une expression, une âme qui les rendaient vivantes et dignes de charmer les regards des artistes et des hommes du goût le plus distingué.

Comme la poésie en toute chose contribue surtout à la popularité, ce furent les heureuses inspirations de Pasqual, bien plus que les valeurs prodiguées dans ce but, qui répandirent dans tout Paris la renommée de l’hôtel de Rocheboise et de ses fêtes.

Herman se reposait délicieusement dans les satisfactions de l’orgueil, dans l’accomplissement spontané de ses désirs, dans l’agréable rêve d’une jeunesse enivrée.

Les sommes immenses employées à lui apporter ce royal bien-être ne l’inquiétaient point, il ne perdait pas un temps si bien employé ailleurs à calculer ses dépenses, à en mesurer le total, et se laissait vivre paisiblement dans l’élément qui convenait à sa nature.

Valentine, quoique ce fût bien éloigné de ses goûts et de son caractère, s’associait à cette existence de mouvement et d’agitation, sans but et sans fruit, autant qu’il était nécessaire à son rôle de maîtresse de maison. Elle ne souffrait point de cette contrariété apportée à ses penchants, elle s’en apercevait à peine. Aimante avant tout, elle ne vivait que dans Herman, ne respirait que par lui : les fêtes, le bruit, les plaisirs n’étaient rien pour elle ; mais voir Herman souriant, heureux, était une fête continuelle pour son âme.

Tous les avantages dont jouissait M. de Rocheboise dans sa brillante position lui venaient d’elle, de la fortune qu’elle lui avait apportée, elle trouvait que ce bonheur donné par elle à l’homme qu’elle aimait ne pouvait aller trop loin ; une noble insouciance l’empêchait d’en prévoir les dangers.

Son âne était trop pleine de tendres sentiments, pour laisser place aux craintes d’aucun genre.

Elle avait bien la conviction de n’être pas aimée d’Her-