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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/110

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GENEVIÈVE.

Ainsi je continuais à être un peu vivante auprès de toi. C’est en ses cheveux qu’on se survit… C’est notre portion d’immortalité… Par eux, je suis dans ta maison. Ma chevelure est l’âme de ta maison ; elle est mon âme dans ta maison, qui veille, tendre, aimante, jalouse, inviolable…

HUGHES.

Mais, pas une minute, je n’ai cessé de t’aimer. Il n’y a que toi, toujours toi…

GENEVIÈVE.

Toujours nous, — nous deux !… Il n’y a que nous deux, dans cette ville morte. C’est pour y être seul avec moi que tu es venu ici. Tu m’avais perdue, tu m’as retrouvée… Au fil des vieux canaux, je fus ton Ophélie. Dans les cloches, tu entendis ma voix qui s’éloignait, se rapprochait, croissait ou décroissait… Et ce soir, dans le brouillard, tu m’as cherchée, car c’est un linceul dont tu me déshabilles !