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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/53

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qui se passe en moi, ce qui s’est passé dès le premier jour de sa rencontre. En elle, c’est l’autre que je retrouve, que je baise sur sa bouche, à qui je reste fidèle…

JORIS.

Et vous pouvez, avec cette Jane, vous illusionner jusqu’à ce point ?

HUGHES.

Oui, tellement la ressemblance est inouïe. Rien n’a été. La séparation, la mort, le cimetière, la longue absence, — tout cela fut un rêve horrible de la dernière nuit, qui déjà se brouille… Je suis l’Époux heureux près de l’Épouse. Je la regarde, c’est le même visage ! Je l’écoute, c’est la même voix… Qu’importe ce qu’elle dit ? Je n’entends même pas… J’écoute le son de la voix, un peu grave, si caressant… la voix de naguère, la voix revenue… Ah ! ces minutes ! ces minutes ! qui abolissent tout, qui triomphent de la mort, qui me