Aller au contenu

Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapportent tout mon passé, tout mon bonheur, tout mon unique amour !

JORIS.

Mais après, vous devez souffrir davantage, en retombant du haut d’un si beau mensonge…

HUGHES.

N’importe ! J’ai des minutes, vous dis-je. Imaginez qu’un mort puisse obtenir de revivre parfois, de quoi revoir le soleil, des arbres et un visage cher. Moi aussi, pour tout le reste du temps de ma vie, je suis mort. Mais j’ai des minutes. Et c’est le miracle ! C’est une pitié divine. Et j’attends, comme un mort, mes minutes de résurrection. Je ne pense plus qu’à ces minutes-là, à les exaspérer, à y trouver le paroxysme de l’oubli !…

JORIS.

Ce sont là de funèbres et violentes joies. Et la danseuse n’en rompt jamais l’harmonie ?… Sait-elle quelque chose ?…